Coup d'Etat du 22/05/2014:
Yingluck Shinawatra, ex PM
En deux mots, les élites urbaines de Bangkok et le Sud du Pays, ultra-royalistes (Jaunes) ne supportent pas la Première Ministre, Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin Shinawatra, l'ancien PM déchu par l'Armée en 2006 et en exil depuis, qui cristalise aujourd'hui encore haines et passions dans l'un et l'autre des camps. Yingluck et Thaksin (Rouges) on le soutien des classes populaires du nord et du nord-est, et on gagné toutes les élections nationales depuis 2001.
Bangkok Shutdown (Suthep Thaugsuban)
Un projet de loi visant à amnistier Thaksin a mis en novembre dernier le feu aux poudres, faisant descendre des milliers d'habitants de Bangkok dans la rue. Ne prouvant trouver de compromis, la crise s'est enlisée, conduisant jusqu'à l'opération "Bangkok Shutdown, Restart Thailand", la paralysie du centre-ville, occupé pendant plusieurs semaines à tous ses points névralgiques. On se souvient enfin que le gouvernement de Yingluck, cherchant à asseoir son pouvoir, avait tenté de lancer des élections législatives (les députés élisent ensuite le PM), qui n'avaient pu aboutir, du fait du boycott extrêmement important dans le Sud et dans la capitale. C'était en février dernier.
SUITE DES EVENEMENTS:
Mi Mars: Le mouvement s'essoufflant, le Shutdown est fini par être levé, sous injonction des forces de l'ordre.
21/03: Au grand damne du gouvernement, le Conseil Constitutionnel invalide les élections de février. Le pays est une fois de plus dans une impasse.
27/03: Parallèlement, la Première Ministre était convoquée par la commission anti-corruption pour répondre de son implication ainsi que de celle de plusieurs de ses ministres dans de fortes allégations de corruption sur sa Politique du riz (promesse électorale de Yingluck d'acheter le riz au paysans jusqu'à plus de 50% le prix du marché). Estimant qu'elle n'avait pas à répondre, cette dernière avait refusé de s'y rendre, et avait envoyé ses avocats.
07/05: L'Histoire s'accélère! Le Conseil d'Etat, plus haute instance juridique du Royaume, déclare Yingluck et la plupart de ses ministres du Puea Thai coupables de corruption, et les démet de leurs fonctions. Les membres restant réussissent tout de même à créer un gouvernement de transition, chargé d'expédier les affaires courantes.
09/05: Suthep Thaugsuban, leader des mouvements anti-gouvernementaux redescend dans la rue, décidé coûte que coûte "à faire tomber ce gouvernement et le système Thaksin". La situation devient de plus en plus inextricable...
Mi-Mai: Des manifestants rouges (Red-shirts), soutiens de Yingluck et de Thaksin, majoritairement issus des milieux ruraux du nord et du nord-est, se pressent dans les faubourgs de la capitale. Ils s'étaient pour l'instant tenus en dehors des manifestations. En effet, il faut savoir que si la Police est rouge, l'Armée elle est jaune, et qu'une confrontation directe jaune-rouge risquerait de donner un prétexte à cette dernière pour intervenir et faire tomber le gouvernement, comme elle l'a déjà par le passé. Cette fois-ci cependant, les Red-shirts commencent à montrer leur nez, faisant craindre les violences de 2010 (200 morts et 2000 blessés).
20/05: De son propre chef, l'Armée se déploie à Bangkok et dans les grandes villes, et instaure la Loi martiale. Le Chef de l'Armée de Terre, le Général Prayut Chan O Cha annonce cependant "qu'il ne s'agit pas d'un coup d'Etat, et que l'Armée n'a pas vocation à faire de la politique". La loi martiale est plutôt bien accueillie par les habitants de Bangkok (à grande majorité anti-gouvernementaux, jaunes)., comme le montre ces concours de selfie sur internet, des plus surprenants...
22/05: Le Général Prayut convoque en début d'après-midi le gouvernement et les leaders de l'opposition, afin de trouver un compromis.
16h00: Devant l'incapacité des protagonistes à s'entendre, et devant le refus du gouvernement intérimaire de donner sa démission, le Général Prayut annonce un coup d'Etat, démet le gouvernement de ses fonctions, et se proclamme Premier Ministre. Les leaders rouges ET jaunes sont arrêtés et retenus dans un même bâtiment militaire. Déclaration d'un couvre-feu de 22h à 5h, dissolution de la Constitution (à l'exception de la partie traitant de la Monarchie et du Sénat), et abolition du droit de réunion de plus de 5 personnes. Le droit à manifester est suspendu. Ce coup s'est fait sans violence, et aucun blessé n'est à déplorer.
Déclaration du Coup d'Etat
31/05: Le NCPO déclare qu'il n'y aura pas d'élections en Thailande pendant "au moins un an", provoquant de vives condamnations internationales.
Depuis, la junte, qui se fait appeler le Conseil National pour la Paix et l'Ordre (NCPO) (ca rappelle un peu le SLORC en Birmanie, State Low and Order Restoration Concil) gouverne le royaume. L'Armée a promis de redonner a terme le pouvoir à un gouvernement civil après avoir mis en place "ses réformes structurelles".
Gal Prayut, Chef de l'Armée de Terre, nouvel homme fort du pays.
La feuille de route du Général Prayut compte trois étapes:
- Reconciliation nationale
- Conseil des réformes (non élu), chargé de réécrire la Constitution et de rénover la Démocratie (assez similaire au Conseil du Peuple demandé par les manifestants depuis 7 mois au final...)
- Elections démocratiques acceptées par tous les partis.
La phase de Reconciliation nationale inclue pour l'instant une réforme des programmes scolaires, afin de renforcer la notion de "Thaité", la "fierté nationale" et le "respect pour l'institution monarchique". Un réel virage patriotique donc, "nécessaire" selon le NCPO pour "restaurer l'unité, la paix, et l'amour". Parallèlement, les étudiants sont interdits de réunions, de séminaires ou toute autre forme de contestation, et l'Armée encourage même de dénoncer les élements subversifs qui nuiraient au travail du NCPO.
Aujourd'hui, une réelle opération de propagande et de démagogie pro-armée est mise en place, incluant censure des médias, gratuité de réception des matchs de la Coupe du Monde, et même concerts karaokés par des soldats, la larme à l'oeil...
Thaksin et Yingluck à Paris CDG
Juillet: L'Ancienne Première Ministre, Yingluck Shinawatra, ainsi que nombreux de ses ministres du Pue Thaï ont été libérés et autorisés à quitter le Royaume, à condition qu'ils "renoncent définitivement à toute activité politique". Yingluck, entourée de ses fidèles, s'est rendue la semaine dernière à Paris pour célébrer l'anniversaire de son frère Thaksin, PM en exil depuis le coup d'Etat de 2006, et qui continue toujours à scinder en deux le Royaume.
Autre activité: Suthep Thaugsuban, l'ancien Leader des Yellow Shirts, responsables des manifs et du Shutdown de Bangkok en 2013-2014 vient lui aussi de renoncer à toute fonction publique, et à regagner le Sud du Royaume dont il est originaire, pour se faire... moine!
Suthep Thaugsuban, avant et après le coup (à gauche)
21/08:
Le chef de la Junte, le Général Prayut Chan O Choa, responsable du Coup du 22 mai vient d'être "élu" Premier Ministre du Royaume par une Assemblée nationale (non élue) à une écrasante majorité. Cette chambre est contrôlée dans sa quasi intégralité par les militaires. Sa nomination doit cependant encore être avalisée par le Roi. L'ancien chef de l'Armée de Terre, dont la carrière devait se terminer en septembre 2014, troque ainsi depuis le début de la semaine l'uniforme kaki pour le costume cravate. Si on s'en souvient bien, dans les premières déclarations post Coup, Prayut avait assuré ne pas endosser de fonction au gouvernement. Il compte aujourd'hui rester en place jusqu'à l'automne 2015 "minimum", date jusqu'à laquelle les élections démocratiques ont été suspendues, le temps pour l'Armée de "réformer" le pays, et s'assurer que le parti de Thaksin ne puisse plus être élu. La Junte a cependant annoncé qu'elle continuerait a exercer un pouvoir exécutif en parallèle du nouveau Gouvernement. Depuis le coup d'Etat, les militaires ont très fortement restreint les libertés individuelles, et arrêtent les opposants au régime (qui n'osent s'affirmer aujourd'hui que par le biais d'internet), en encourageant notamment la délation.
Prayut Chan O Choa, nouveau PM de Thaïlande