vendredi 17 janvier 2014

08-15/01: La route du Prasat Preah Vihear, avec Maiti!




Jour 1:  Phnom Penh 

Je retrouve ce mercredi 08 janvier Maiti, une amie de Nantes, qui comme moi a pris un an entre la D1 et la D2 pour voyager. Les 4 premiers mois de son voyage se sont deroules aux Philippines, ou elle s est notamment beaucoup investie dans l aide aux habitants de Tolosa (a cote de Tacloban, sur l ile de Leyte) apres le typhon Haiyan (Yollanda pour les Philippins), plus violent cyclone enregistre a la surface de la Terre, qui a tape cette ile en novembre dernier. Nous dormons ce soir chez Celine, une autre amie de Medecine, dans la meme situation que nous (nous sommes au total 5, Marie etant actuellement au Nepal, et Martin en Equateur), qui elle vit a Phnom Penh. Le lendemain, apres avoir recupere mon visa pour la Birmanie, nous nous lancons dans l aventure!

Voici notre plan: nous avons prevu une semaine pour atteindre le Prasat Preah Vihear, un des plus fameux des temples montagne bouddhistes, tout au nord, a la frontiere avec la Thailande. Ce temple se trouve a environ 500 km de Phnom Penh. La distance pourrait etre couverte en deux jours, mais nous avons decide pour cette semaine de voyager tres lentement, pour avoir le temps de profiter le plus possible de chaque instant. Notre objectif principal: ne pas payer une seule nuit! Voici le recit de nos aventures, la semaine la plus folle de mon voyage so far.

















Jour 2: Phnom Penh > 10 km au sud de Skuon

Nous nous equipons ce matin au marche russe. Maiti se procure un hammac, et nous faisons le plein de conserves pour la route. A 15h, nous quittons Phnom Penh (enfin!) par cette route desastreuse que j ai deja empreinte deux fois (avec les parents!). Il est trop tard pour esperer atteindre Kompong Thom comme la premiere fois, mais ce n est pas notre objectif: nous ne voulons pas dormir dans les villes! Pause sur le bord de la route. Vers 17h, comme elle aime bien le faire, Mathilda nous fait une petite blague: un de ses amortisseurs explose. Comme nous sommes au Cambodge, nous ne mettons que peu de temps a trouver un workshop sur le bord de la route. Pendant que le type nous en installe de nouveaux (rouges chromes, hum!), nous realisons que ma moto a choisi le bon endroit: un endroit magnifique, ou le soleil se couche au loin sur les rizieres et les cocotiers. Nous decidons de passer la nuit ici. Comme nous ne sommes pas loin d une maison, nous demandons aux habitants un peu d eau chaude pour nos nouilles. Ils nous proposent alors de dormir sur une paillasse a l entree de la maison. Il est assez dur de communiquer cette famille, qui nous regarde cependant gentiment. 
Vers 9h, un garcon parlant anglais arrive avec un policier. Il nous explique que ce dernier est inquiet pour nous, et prefererait que nous passions la nuit au commissariat... On aimerait rester avec la famille, mais on voit bien que ca les embarasse de debattre avec le flic, et on se dit qu apres tout, une nuit au commissariat, ca peut etre marrant! 
Alors qu on commence a installer les hammacs, les deux policiers nous donnent carrement leurs lits pliables. Nous dormons sous les arbres. Pendant la nuit, a plusieurs reprises, un flic bourre vient nous regarder en rigolant, nous aveuglant gentiment avec sa lampe de poche. Un sur un!




Jour 3: RN6, Skuon > RN62 ou 64, limite du Preah Vihear Province

A partir de maintenant, je vais m employer a decrire precisement la suite de notre voyage, qui se fera sans photos: nous avons effectivement perdu le dernier jour l appareil de Maiti, et le miens etant decharge, nous ne garderons que nos souvenirs... 

Au reveil, on sent que les flics aimeraient qu on parte sans trop tarder. Nous reprenons tranquilement la route, la RN6, comme avec les parents, jusqu a Kompong Thom. Nous prenons notre temps, nous arretons souvent boire des cafes, discuter sur le bord de la route des que l on croise un paysage joli. 
Apres Kompong Thom, nous piquons plein nord sur la RN62 ou 64, on n a jamais reussi a avoir deux infos pareilles, direction le Preah Vihear. Les paysages changent completement. Les grandes plaines se transforment en forets, puis en restes de foret: la deforestation fait en effet rage, et nous sommes souvent entoures de grandes etendues desertiques pleines de cendres. 

A la limite de la frontiere, vers 16h30, toujours en fin de journee, Mathilda calle completement. Nous sommes la pour le coup au milieu de nulle part. A l oreille, on parie moi sur la bobine, Maiti sur l allumeur. On essaie de bricoler, mais avec les outils pourris que je trimballe, on n avance pas vraiment.
L histoire devient marrante quand on se fait remorquer par un tracteur: Maiti se hisse au sommet d un tas de bois, et moi je me fais tracter comme en ski nautique par une grosse corde jusqu au premier workshop. La, le type met 1h a trifouiller le carbu, sans succes, alors qu on lui montre deseperement la partie ou se cachent les bobines. En desespoir de cause, on se fait remorquer par un autre scooter, et trouvons un autre workshop, qui ouvre, et nous change en a peine 10 minutes la bobine ou l allumeur, dur a dire, completement brule. 

Nous reprenons la route. Le probleme, c est qu il est deja 5h30, et que le jour commence a tomber. Nous piquons sur une petite route parallele. Paysage desole: il n y a plus un arbre a des km a la ronde, juste des cendres, parfois encore fumantes, quelques feux a l horrizon. Pas moyen de trouver deux arbres pour les hammacs. Le sentiers s arrete sur une maison de paysans, probablement une minorite ethnique. Nous leur montrons les hammacs, leur demandant s il serait possible de les accrocher quelques part. Quand ils comprennent, les habitants se fendent d un immense sourire. Ils nous aident a les accrocher sous une espece de veranda. Nous sommes sous le toit, mais dormons avec les habitants dans un espace sans mur (c est dur a expliquer, les maisons sont generalement ici construites sur pilotis). Deux familles vivent ici. Nous nous faisons d abord inviter a manger une premiere fois par les voisins, puis une seconde fois par nos hotes. Soiree geniale, ou nous echangeons par signes, en se montrant des photos, assis par terre, mangeant tous ensembles dans des plats disposes au milieu. Ils finissent par sortir un petit lecteur dvd, et a l aide d un gros generateur (ils n ont pas l electricite), nous passent des karaokes khmers haha! Puis ils nous bordent, installant des moustiquaires autour de nos hammacs. 



Jour 4: Famille 1 > Au dessus de Tbeng Menchey

Reveilles a l aurore par ces saloperies de coqs. Nous assistons au lever du soleil sur l entendu desertique nous entourant, allonges bien confortablement dans nos hammacs. Ambiance magique, je regrette de ne pouvoir vous montrer les photos. La famille insiste pour que nous dejeunions avec eux, puis nous reprenons la route, apres avoir offert quelques cadeaux a leur fils de 4 ans, trop mignon.

Nous roulons un peu, faisant de grosses pauses, jusqu a Tbeng Menchey, qu on appelle aussi Preah Vihear city. Nous sommes un peu claques et pas presses, nous decidons du coup de nous reposer, checker un peu nos mails dans un petit cyber, discuter sur une terrasse. A la fin de la journee, nous partons a la recherche d un endroit pour camper.

Nous trouvons notre petit coin de paradis a cote d une riviere pratiquement assechee: une cabane, au milieu d une riziere. Il ne s agit ici encore pas d une cabane au sens europeen avec des murs, juste une plateforme surelvee a 1 m du sol, avec 4 pilotis soutenant un toit de chaume. Nous installons les hammacs et tout notre petit campement a l interieur, savourant une biere en regardant le soleil se coucher sur les rizieres... 



Jour 5:  Au dessus de Tbeng Menchey > Quelque part au nord

Grasse mat. Contrairement a ce que je pensais, nous ne nous sommes retrouves a aucun moment nez a nez avec un paysan. Je loupe juste l occasion revee de kicker un coq, qui s enfuit le temps que je mette mes chaussures. 

Nous savourons un jus de Durian, dans un village un peu au nord, dont j ai oublie le nom. Le Durian, Roi des fruits, degage une odeur atroce (il est interdit dans les avions, et dans le metro de Bangkok), mais est en realite assez savoureux. On en profite pour prendre notre premiere "douche" discretement. Dans la cabane au fond du jardin du petit bouiboui, nous trouvons un trou faisant office de toilettes, a cote duquel se trouve une espece de tonneau. En vitesse, on se renverse un peu d eau sur le corps, se sechant avec nos vetements. 

Encore une fois, c est Mathilda qui ce soir choisit notre lieu de campement. Sur une piste de terre rouge, au coucher du soleil, je perds la pedale de vitesse. C est un truc tres simple, que je peux reparer tout seul, mais coup de chance, elle s est arretee juste devant une maison, ou les habitants se precipitent pour nous aider. Ils insistent pour aller au village nous chercher un nouvelle vis, et la monter eux meme. Nous leur montrons nos hammacs, et ils nous proposent alors de dormir sur une petite paillasse dans le jardin, sous un arbre. Ils nous installent une natte, et mettent en place une super moustiquaire! C est genial! Pour les remercier, nous offrons des ballons de baudruche aux enfants. Ils deviennent completement fous. On joue avec eux pendant une heure, sous les rires des petits et le soleil couchant, dans lequel se perdent les ballons multicolores. Magique.
Cette seconde famille est incroyablement gentille. Ils ne parlent pas anglais non plus, mais on arrive bien a communiquer. Ils nous font gouter une espece d alcool fort, qu on boit a tour de role dans un cul de bouteille en plastique decoupe. Ils insistent pour prendre nos numeros. Vraiment adorables.





Jour 6:  Famille 2 > Prasat Preah Vihear > Quelque part sur la route d Anlong Veng

Nous quittons ce matin notre petite famille. Ils sont tellement adorables. Le jeune couple se chamaille gentiment, se serrent dans leurs bras, se font meme des bisous sur le front, ce qu on ne voit normalement jamais ici (les couples ne se tiennent meme pas la main). Maiti offre une fleur, et moi un petit colliers a nos enfants preferes, un petit garcon qui vient a toute heure nous provoquer pour que nous jouions avec lui, et une petite fille trop mignonne avec qui j ai fait des passes de ballons la veille au soir.

Nous reprenons la route, cette fois ci pour atteindre le but de ce voyage, le Prasat Preah Vihear. Une nouvelle route a ete construite, mais nous ne pouvons pas la prendre en moto: comme il est hors de question de payer un taxi, nous decidons de trouver les anciens escaliers, sur le flanc de la montagne, que les pelerins gravissent encore aujourd hui. 2242 marches plus tard, nous atteignons enfin notre but. 

Le Prasat Preah Vihear est un temple Angkorien, sur la frontiere avec la Thailande. Magnifique vestige de la grandeur passee de l Empire Khmer, il surplombe majestueusement les deux pays. Entre 2008 et 2011, de nombreuses escarmouches entre les thais et les cambodgiens a propos de la souverainete du temple et la fermeture de la frontiere a cet endroit ont rendu le temple pour un temps impossible d acces. Si l entree principal se trouve en Thailande, le temple, en territoire Cambodgien, possede egalement un acces, plus complique. Tout le probleme vient des demarcations effectuees en 1953 par les francais a leur depart, qui concedent 4.6km2 a la Thailande, sur lesquels se trouvent l acces aux escaliers. Aujourd hui, si la zone reste tres militarisee, on peut visiter le site sans soucis. Des drapeaux de l UNESCO encadrent un peu partout le drapeau Cambodgien, pour rappeler au monde le jugement en leur faveur qu a rendu l organisation onusienne en 2009. (Photos Google).

A ce propos, un curieux spectacle s offre a nous. Nous sommes entoures de militaires, ne portant pour la plupart qu une veste, trop grande pour eux, mal ajustee, des tongues, une casquette de base-ball, fumant des cigarettes... L un d eux possede meme une veste de l Armee Americaine, avec un patch "Cambodia". Ils sont la, les mains dans les poches, sans armes, a discuter avec les touristes... Au loin, nous appercevons la Thailande, l ancien checkpoint, le drapeau rouge-blanc-bleu flottant au vent. 

Le Prasat Preah Vihear est egalement le dernier lieu de refuge des Khmers Rouges en 1998. Repute imprenable, les alentours du temples ont de fait ete enormement mines. 

Occupant toute la crete, le temple se termine au sud par un immense rocher sur lequel nous pic-niquons, offrant une vue incroyable a perte de vue sur tout le Cambodge. Au dessus du ciel, nous admirons la plaine cambodgienne. Grandiose. 

De la haut, nous voyons egalement une route, longeant la montagne, qui n est pas indiquee sur ma carte. Elle va plein ouest, direction Anlong Veng, point final de notre voyage. Nous decidons de l empreinter au hasard.
Il  s agit d une superbe piste de terre deserte. Nous nous arretons savourer un cafe, et c est la que les ennuis commencent (un voyage pareil n aurait pas d interet sinon). 10 minutes apres avoir quitte le cafe, Maiti se rend compte que son sac, contenant toutes ses affaires precieuses, est tombe du porte bagage. Catastrophe. Nous rebroussons chemin. Malgre la petite distance, impossible de retrouver le sac. Les gens ne nous comprennent pas, ne lisent pas la detresse sur notre visage, se marrent. Petage de plomb. Nous faisons heureusement la rencontre de Sal, un khmer parlant bien anglais, mais ne le comprenant pas tres bien a ce qu il y parait: il repond toujours a cote a nos questions! Il nous indique la direction de la police station. Nous nous retrouvons a nous casser la gueule dans une route sableuse, de nuit, au milieu d une foret. Merci les khmers... En Asie, quand les gens ne savent pas, ils preferent generalement nous indiquer une direction aleatoire plutot que d admettre qu ils n en savent rien... Nous retournons au village, de nuit. Les phares de Mathilda lachent en arrivant... 

Nous retrouvons Sal, qui decide gentiment de nous aider. Je monte derriere son scoot, et il m amene dans une direction completement opposee, au "commissariat", qui s avere en fait etre juste une maison ou les flics viennent parfois se reposer. Un vieil homme s eclairant a la lampe de poche ecrit la description du sac sur un bout de papier (les flics sont en ce moment a un mariage...).

Nous sommes au milieu de nulle part, Maiti doit quitter le pays le 17, n a plus de passeport, de cartes de credits, d appareil photo. Heureusement, nous reussissons a faire comprendre notre probleme a Sal, qui nous propose de dormir chez sa tante. Cette derniere insiste pour nous faire dormir a l interieur de sa hutte, et nous donne son lit! Nous insistons pour dormir par terre, mais elle nous force a accepter. Meme si c est un peu la loose, on a quand meme reussi notre objectif, de ne payer aucune nuit!


Jour 7:   Quelque part sur la route d Anlong Veng > Anlong Veng

Leves tot ce matin, pour partir a la recherche du sac de Maiti. Nous ne pouvons pas croire qu il ait ete vole, cela ne ressemble pas aux cambodgiens. Sal et son oncle, qui nous aident, sont optimistes. Nous partons a la recherche des policiers. Nous tombons alors sur une bande 6 clowns. Aucun d eux ne possede un uniforme identique: trop grand, trop petit, avec des slaps, une casquette... Pas tres confiants. Sal et son oncle interrogent trois familles au hasard, discutant pendant des heures pour rien, puis nous disent de faire confiance a la police. Nous pour le coup on ne la leur fait pas vraiment, on decide de prendre les choses en main. Methodiquement, nous fouillons chaque fourre, interrogeons chaque maison avec un mot en khmer ecrit par nos hotes. On se rend compte alors du tres faible taux d alphabetisation: si certains ne savent pas lire du tout, beaucoup mettent une minute a dechiffrer notre message...

Nous tombons a plusieurs reprises sur les flics, invariablement installes sur le bord de la route a fumer des clopes... Des habitants acceptent de diffuser sur leur megaphone notre message en khmer! Nous avons bien fait de perseverer: au bout de 2h a ratisser la region au peigne fin, Maiti pousse un cri: sur une cabane, est ecrit a la craie son nom en grand, avec une photocopie de son passport! Nous sommes tout excites. Malheureusement, lorsque la famille revient, elle ne nous remet que le passeport, le porte feuille, et les cartes de credit. Un inconnu, qui a depose les affaires la veille, est parti avec le sac, les souvenirs, nos photos... 

Enfin bon, soyons positif, meme s il est dur de perdre des souvenirs, tout reste dans nos tetes, et le plus important reste tout de meme les documents officiels et les cartes de credit! 


Nous remercions chaleureusement Sal et sa famille, puis continuions notre route, qui mene effectivement a Anlong Veng! Pendant que je bricolle Mathilda, Maiti essaie de faire sa declaration. Flics torse nu, refusant de la lui faire, car cela "ne releve pas de leur district", interprete lui demandant qu elle age elle a, si je suis son copain... Elle quitte le commissariat en tapant du poing sur la table et en les insultant. Decidemment, la police, c est pas ca au Cambodge! 

Nous dormons ce soir dans une guest house, ou nous nous payons le luxe d une bonne douche chaude! C est la fin de cette aventure, sans doute la meilleure semaine de mon voyage! Maiti va demain a Angkor Wat, puis vole pour les Philippines, tandis que je m apprete a prendre la route de la Thailande, a 16 km au nord d Anlong Veng, de l autre cote de la montagne.






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