lundi 3 mars 2014

6 - LA BIRMANIE, UNE TERRE MULTI ETHNIQUE


6 - LA BIRMANIE, UNE TERRE MULTI ETHNIQUE 



La Birmanie est une terre multi ethnique. Son ancien nom, Burma en anglais, lui venait de "Bamar", le nom de l ethnie majoritaire, qui peuple les plaines centrales bordant l Irriwady. Cependant, ces derniers ne representent que 67/100 de la population totale du pays. De plus, les Bamar n ont pas toujours domine les autres ethnies rivales. Ils ne s imposerent definitivement comme maitres du territoire qu au XVIIIe siecle, vainquant leurs enemis Shan a l est, et Mon au Sud. Aujourd hui, le Bamar est la langue officielle du Myanmar. Leur autorite est cependant constamment remise en question: depuis l Independance, en 1947, pratiquement toutes les ethnies, refoulees a la peripherie de la plaine centrale, sur les hauteurs, sont entrees ou sont encore actuellement en conflit avec le gouvernement. 

Avec le changement de constitution, le Myanmar a vu son decoupage administratif evoluer: la Birmanie est aujourd hui decoupee en 7 Divisions Bamar, et en 7 Etats Ethniques, disposant d une certaines liberte d autonomie, avec un parlement regional. C est donc une espece d Etat "semi-federal". Voici le portrait des differents groupes ethniques majoritaires, representes par un Etat au sein de l Union (j ai trouve les photos dans une revue a Bhamo) :





Les Bamar

Ethnie majoritaire, dont la culture et la langue est celle officiellement reconnue dans le pays, les Bamar representent 67/100 de la population totale. Ils occupent la plaine centrale, le delta de l Irriwady, et une partie du sud profond. Ce sont de fervents bouddhistes theravada. Il seraient arrives en Birmanie aux alentours du IXe siecle, descendant des confins de l Himalaya, ecrasant les restes des Pyu, l Ethnie du premier millenaire majoritaire, et qui a aujourd hui disparu. Ils fonderent le Royaume de Bagan, a cette periode, qui vit son apogee au XIe siecle. Le Premier Royaume etendit son influence loin a l Est et au Sud, en vainquant les Shan et les Mon. Le premier Royaume s effondra au XIIIe siecle, sans doute a la suite d une invasion Mongole, et Bagan fut abandonnee. Les Bamar se terrerent a Tangoo pendant 200 ans, cependant que les Shan et les Mon reprenaient leur influence. Ils fonderent le Second Royaume au XVIe siecle, glorieux, notamment grace a ses victoires militaires sur les Siamois (Thai), mais qui s ecroula cependant bien rapidement a la mort du souverain. Il faut attendre le XVIIIe siecle, pour voir leur retour, cette fois ci definitif. C est a cette periode qu ils raserent Ayuthaya, l ancienne capitale siamoise (voir les premiers articles de ce blog!), et pacifierent les Rackaings, a l Ouest. Le conflit deborda sur l Inde, alors administree par l Empire britanique, qui n attendaient que cette occasion pour annexer ce violent voisin. Durant l occupation, les Bamar furent administres d une main de fer, tandis que les autres ethnies beneficiaient d une certaine autonomie, attisant encore le sentiment separatiste de ces derniers.



Les Shan 

Les Shan occupent les hauts plateaux du nord-est, se confondant au niveau du triangle d or avec la Chine, le Laos, et la Thailande. Ce fut pendant longtemps une des plaques tournantes du traffic international de stupefiants. Les Shan representent 8,5/100 de la population. Ils sont apparentes aux Tai du nord de la Thailande (ne pas confondre Thai et Tai!). Shan vient en effet de Siam, l ancien nom du pays voisin. Ils sont majoritairement bouddhistes. Enemis hereditaires des Bamar, ils connurent leur apogee, avec de puissantes et longues dynasties, durant l interlude bamar, du XIIIe au XVe siecle, et du XVIe au XVIIIe donc. Peuple fier, une partie de l Etat est encore en rebellion, et il n est pas possible pour les touristes de relier Taungyi, proche du Lac Inle et Tachilek, a la frontiere thai, par la route.



Les Mon 

Comme les Shan, les Mon connurent un temps un passe glorieux, avant meme l arrivee des bamar, et etendirent leur puissant empire jusqu au confins meme du Cambodge. Pratiquement assimiles aujourd hui aux Bamar, ils ne representent a present que 2.4/100 de la population. Ils sontcantonnes dans la partie sud du Myanmar (l espece de queue). Ce sont d eux que les Bamar tirerent le bouddhisme theravada, pillant et investissant nombreux de leurs temples. Si la Paya Shwedagon se trouve aujourd hui a Yangon, en division Bamar, le Rocher d Or, ou Kyatkyo est toujours dans l Etat Mon. Alors qu on les croyaient pacifies, et plus ou moins assimiles, les Mon entrerent eux aussi en rebellion en 1947. Seul le nord de l Etat est aujourd hui accessible aux etrangers, le sud subissant toujours des episodes sporadiques de guerilla. 



Les Rackaings (ou Arakanais) 

A l Ouest du pays, les Rackaings representent aujourd hui 4.5/100 de la population. Eux aussi peuvent se vanter d avoir un riche et glorieux passe: au XVe siecle, leur flotte controlait l integralite du Golfe du Bengale, et ils etaient craints et respectes par leurs voisins. Ils ne furent soumis aux Bamar qu au XVIIIe siecle, ce qui engendra le debut des affrontements avec l Inde britanique. Ce sont la encore de fervents bouddhistes, avec cependant une forte influence culturelle indienne et bangladi. Si on peut circuler par la mer ou par les airs pour se rendre dans l Etat Rackaing, il est aujourd hui impossible de s y deplacer par route (sauf exception ou chance). S il n y a pas de rebellion, les etrangers ne sont pas toujours les bienvenus, notamment a Sittwe: cette position, quasi unique au Myanmar, est expliquee par les problemes que soulevent l aide des ONG aux Rohingas. Cette minorite musulmane, quasi apatride (le gouvernement ne la reconnait pas comme birmane, et l accuse d etre en realite des clandestins bangladi), fait l objet de persecution, voire meme de pogroms. Certains moines bouddhistes extremistes pronent tout haut l extermination de cette minorite. La semaine derniere, Medecins Sans Frontieres s est vu fermer toutes ses cliniques au Myanmar, pour finalement les rouvrir dimanche, sauf dans l Etat Rackaing. La raison de cette sanction? Le gouvernement n apprecie pas qu MSF procure des soins a cette minorite non reconnue. MSF parle de catastrophe sanitaire, dans la mesure ou les Rohingas, sans papiers birmans, ne peuvent beneficier du systeme de soin. 



Les Karen (ou Kayin)

Les Karen, repartis un peu partout au Myanmar, possedent un Etat a l est du pays, bordant la Thailande voisine, au sud de l Etat Shan. Ils representent 6.8/100 de la population. Il s agit d une population tres heteroclite, pratiquant differentes langues, se trouvant a differents endroits, et adeptes de differentes religions: ils sont en effet bouddhistes, animistes, chretiens (20/100), et meme musulmans. Les Karen sont les seuls a ne jamais avoir signe de cessez-le-feu avec Yangon depuis l Independance. L Armee birmane, le Tatmadaw, est aujourd hui en conflit permanent avec certains groupes, qui debordent sur la Thailande. De nombreuses exactions sont commises quotidiennement par les troupes regulieres, de nombreuses ONG denoncant l usage du viol de maniere systematique. Aujourd hui, seule la capitale de l Etat Karen, Hpa An, est accessible aux etrangers. Bien que durable, le conflit semble perdre en intensite, dans la mesure ou il n y a pas de coordination centrale, et ou les differents groupes de Karen ont plutot tendance actuellement a se regrouper par religion, certains bouddhistes ayant pris le parti des Bamar contre leurs freres d autres confessions.



Les Chin 

Les Chin representent aujourd hui 2.2/100 de la population. Ils possedent un Etat au nord ouest de l Etat Rackaing. Ils pratiquent la meme langue et cuisinent les memes plats que les Zo d Inde, avec qui ils partagent une frontiere a l Ouest. Ils sont animistes et chretiens a 90/100! C est dans cet etat qu on trouvait autrefois (on peut toujours voir des grand-meres aujourd hui) des femmes portant de compliques tatouages leur recouvrant tout le visage. Si certains le considerent comme un atout de charme, il semblerait que la premiere raison soit pour proteger leur jeunes filles des puissants princes Rackaings au sud en les enlaidissant. Aujourd hui, a l exception du Mont Victoria, l Etat Chin est ferme aux etrangers, malgre l absence de rebellion. 



Les Kachin

Cantones dans le grand Nord, aux confins de l Himalaya (la chaine prend ses racines est au niveau de Putao), les Kachin representent un groupe d ethnies tibeto-birmanes heteroclites (comme les Chin d ailleurs). Ils representent environ 1.4/100 de la population. Ils sont animistes et chretiens a 36/100. La rebellion a eclate a nombreuse reprise, et semble malheureusement repartie de plus belle en 2011. Bhamo est la limite nord atteignable par bus ou bateau, Myktina plus au nord peut etre reliee en avion ou en train depuis Mandalay. On ne peut circuler librement dans cet Etat. 



Les Kaya

Tres peu nombreux, les Kaya ne representent que 0.4/100 de la population. Ce sont des chretiens, vivant quasi exclusivement au sein de leur petit etat, entre les Etats Shan et Kayin. On les retrouve egalement en Thailande du cote de Mae Hong Son (voir article fin septembre avec Aaron). Bien qu il n y ait pas de rebellion dans cet Etat, il n est, malheureusement comme pour l Etat Chin, pas accessible aux etrangers.



En plus de ces 8 Ethnies majoritaires, l Etat en reconnait encore plus d une centaine, dont les Wa, redoutables cultivateurs de pavot coupant la tete de leurs enemis et les empalant dans leur champs pour favoriser les recoltes. Les Nagas, cote Inde, portent de somptueuses coiffes traditionnelles faites de plumes et de poils. Les Mokens, gitans des mers, peuvent plonger jusqu a 60m, et vivent sur des bateaux toute leur vie. Et encore tant d autres! 

La Birmanie est donc une reelle terre de contraste, et on comprend aisement qu il soit dur de maintenir une certaine unite au sein de toute cette divesite. 






PS: Je me suis offert le premier bouquin d Aung San Suu Kyi, "Se liberer de la peur", je compte vous en faire un compte rendu detaille dans l article 7 une fois que je l aurai acheve!


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